Déclaration de l’AFO à l’occasion du décès de Mariette Carrier-Fraser


Ottawa, le 15 septembre 2022 – L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) accueille avec une très grande tristesse l’annonce du décès de son ancienne présidente, Mariette Carrier-Fraser, la première présidente  de l’AFO.





Mme Mariette Carrier-Fraser a travaillé avec acharnement dans le domaine de l’éducation francophone pendant plus de 36 ans, terminant sa carrière dans la fonction publique ontarienne en tant que sous-ministre adjointe au ministère de l’Éducation. Dans ce poste, elle a travaillé à l’élaboration du projet de loi qui a mené à la création des douze conseils scolaires de langue française en janvier 1998.





Après sa retraite, Mme Carrier-Fraser est demeurée très impliquée dans la communauté franco-ontarienne. Elle a été une architecte de la formation de l’AFO, dont elle a été élue la première présidente en juin 2006. Elle restera dans ce poste jusqu’en octobre 2010. Après son passage marquant comme première présidente de la version 3.0 de notre organisme, elle a été nommée à la présidence du Conseil consultatif des services de santé en français de la ministre de la Santé de l’Ontario.





« Au nom de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, je tiens à offrir mes sincères condoléances à la famille et aux proches de Mariette Carrier-Fraser. Elle a été la première présidente de la nouvelle AFO et elle a établi les solides fondations dont jouit l’AFO aujourd’hui. Sa longue feuille de route a amené une crédibilité automatique à l’AFO. C’est une lourde perte pour notre communauté. Son impact sur la communauté franco-ontarienne va continuer à se faire sentir pour plusieurs années à venir. Si nous sommes toujours là et toujours fort, c’est à cause de gens comme Mariette, » a déclaré le président de l’AFO, Carol Jolin.









Biographie









Mariette Carrier-Fraser (1943-2022)
Présidente de l’AFO (2006-2010)







Les parents de Mariette Carrier-Fraser sont originaires des Cantons-de-l’Est (Québec) et se sont installés à Jogues (Ontario), à 15 kilomètres au sud de Hearst. Mariette  est née en 1943. Elle raconte avoir grandi dans une région canadienne-française où l’on ne tendait pas à apprendre l’anglais puisque ce n’était pas nécessaire pour fonctionner dans l’espace public. Ses deux parents, des cultivateurs, n’avaient pas terminé leurs études primaires, mais dirigeaient explicitement leurs enfants – ils en avaient neuf – à terminer leurs études secondaires et, si possible, à se rendre à l’université. Le couple percevait l’éducation comme un moteur implacable d’ascension sociale.





Cette croyance était profonde à un point tel que le couple a inscrit la jeune Mariette à la première année dès l’âge de 4 ans. Cette avance sur le cours normal des choses a fait qu’elle a terminé ses études primaires à Jogues à 11 ans, puis qu’elle s’est retrouvée, dès lors, pensionnaire au couvent des sœurs Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours pour ses études secondaires. En 1957, la famille entière est déménagée à Hearst puisque son père, bûcheron de métier, ne pouvait plus se permettre les frais de pension – la jeune Mariette n’était plus seule au couvent. Elle a donc fait ses 11e et 12e années au Hearst High School. « Je comprenais mal l’anglais; je le parlais encore moins » rappelle-t-elle. « Disons que je n’aimais pas trop ça l’école à ce moment-là », mais elle l’a appris par la force du milieu.





Diplômée à l’âge de 16 ans, elle est partie en septembre 1960 faire sa formation d’un an à l’École normale d’Ottawa, puis est revenue à Hearst enseigner un cours double : la 5e et la 6e année. Puisqu’elle n’avait que 17 ans, elle n’était pas beaucoup plus vieille que certains de ses élèves qui avaient pris du retard, dont un élève de 16 ans. « Mon plus tannant se promenait avec une photo de moi dans son porte-monnaie et disait que j’étais sa blonde », rappelle-t-elle. Elle a aussi enseigné à Ramore, puis a rencontré un travailleur chez Ontario Hydro, un Mr. Fraser, originaire du Sud de l’Ontario.





Une fois mariés, Fraser a été transféré à Paris, dans le Sud-Ouest ontarien, à l’automne 1964. Ce déménagement vers l’Ontario anglais, « un vrai choc » pour elle, serait décisif dans son cheminement professionnel. Son anglais s’étant amélioré puisque son mari était unilingue anglophone et les emplois étant nombreux en enseignement à la fin du baby-boom, elle a pu décrocher des postes à tous les endroits où Fraser a été affecté – Brantdford, Streetsville, Thornhill et Cambridge – pendant ces années. N’ayant qu’un brevet d’enseignement de deuxième classe de l’École normale de l’Université d’Ottawa, elle a obtenu un brevet de l’Ontario College of Education de Toronto à l’été 1965 et entrepris un baccalauréat à temps partiel en psychologie et en études françaises à l’université Wilfrid Laurier tout en élevant ses deux jeunes filles.





C’est à Cambridge, où la famille s’est posée en 1968, que Mariette Carrier-Fraser a repris contact avec la communauté franco-ontarienne. Découvrant que la St. Patrick School où elle enseignait avait quelques classes de langue française, elle a fait le transfert l’année suivante. Elle s’est également impliquée au centre culturel canadien-français et s’est faite des alliés auprès des parents pour obtenir, dans la région une école primaire entièrement consacrée à l’enseignement en français. Carrier-Fraser avait d’autres motivations aussi; sa fille aînée avait commencé l’école l’année précédente dans le système de langue anglaise. « Mon mari ne nous permettait pas de parler français à la maison, imagine-toi! C’est pour ça que le mari a disparu par la suite! », rigole-t-elle. Constatant son talent, les parents canadiens-français l’ont mis en charge de la section de langue française. Puis le conseil scolaire séparé lui a demandé de devenir la directrice fondatrice de l’École Saint-Noël-Chabannel, qui ouvrait ses portes en septembre 1970. Elle n’avait alors que 26 ans. Pendant ces quelques années, elle dirigeait un programme de langue française jusqu’à la 10e année – la dernière année que l’on pouvait faire financer à l’intérieur d’une école primaire séparée lorsqu’il n’y avait pas d’école secondaire de langue française à proximité.





Travaillant les jours, les soirs et les week-ends, Carrier-Fraser « ne dormait pas beaucoup ». Dans le circuit francophone du Sud ontarien, on lui offrait des défis intéressants puisqu’elle était une denrée rare et qualifiée. En 1974, on est venu la chercher pour diriger l’École Notre-Dame à Hamilton et se présenter au conseil consultatif de langue française (CCLF) du Wentworth Public School Board, qui venait d’ouvrir l’école secondaire Georges-P.-Vanier. C’est là qu’elle a connu un président sortant de l’ACFO, Ryan Paquette. Elle avait un caractère de militante, sans nécessairement être agressive, ce qui lui permettait par exemple de convaincre son employeur de la nécessité pour les Franco-Ontariens de s’impliquer à la fois dans les conseils séparés et les CCLF des conseils publics, puisque les premiers n’avaient pas les moyens d’offrir une programmation secondaire égale et gratuite.





Sa visibilité dans le milieu éducatif lui a permis d’être recrutée, en 1978, par le ministère de l’Éducation pour coordonner les services pédagogiques aux écoles secondaires de langue française du Centre-Sud – les school boards de Kingston à Windsor auxquels elles étaient affiliées n’ayant pas les moyens d’offrir de tels services. En 1981, le ministère l’a nommée surintendante régionale pour toutes les écoles de langue française du Centre-Sud pour la supervision des écoles. Entretenant de bonnes relations avec les conseils scolaires et le ministère et le poste de sous-ministre adjoint pour l’éducation franco-ontarienne devenant vacant en 1983, Carrier-Fraser a été nommée à ce poste par la ministre de l’Éducation Bette Stephenson. « On savait que j’étais game pour faire pas mal n’importe quoi qui m’intéressait », se rappelle-t-elle, soulignant aussi du coup que les capacités du bureau étaient assez restreintes : il ne comprenait qu’un agent puis une secrétaire au départ.





Carrier-Fraser avait 40 ans et le dossier se complexifiait avec trois décisions – celles de constituer des sections de langue française dans tous les conseils scolaires en 1984, de financer équitablement l’éducation secondaire catholique en 1985 et de constituer deux projets pilotes – un conseil scolaire public de langue française à Toronto et un conseil scolaire « public-catholique » de langue française à Ottawa en 1988. « Tout changeait », rappelle-t-elle, précisant du coup que le parachèvement du financement catholique et la gestion scolaire francophone jetaient « un pavé dans la marre ».





En premier lieu, la constitution de sections de langue française – détenant l’autonomie dans la pédagogie et la gestion des écoles, tout comme la capacité d’élire trois conseillers scolaires – dans certains conseils qui étaient à peine conscients qu’ils avaient des classes de langue française a été plus difficile à faire avaler. Carrier-Fraser a été dépêchée à plusieurs endroits dans le Sud de la province où l’on refusait d’assermenter les conseillers francophones. Elle leur expliquait alors les provisions de la loi scolaire et le fait que cela allait leur « enlever des problèmes, pas leur en créer » car ils « ne savaient pas quoi faire des écoles de langue française, et les francophones leur tapaient sur les nerfs ». « J’essayais d’influencer les gens beaucoup plus que de leur piquer une crise », se rappelle-t-elle, en expliquant qu’on ne demandait pas la gestion « seulement pour écœurer le monde, mais surtout pour ne pas disparaître ».





Son prochain dossier a été la mise en œuvre de la Loi 75, qui prévoyait la création de deux conseils scolaires de langue française, le Conseil des écoles françaises de la communauté urbaine de Toronto (CEFCUT) et le Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton (CSLFOC). Si la situation d’un régime partagé entre écoles primaires séparées et écoles secondaires publiques avait perduré, elle croit que la gestion scolaire « publique-catholique » de langue française « aurait fonctionné », mais elle précise, « le parachèvement a vraiment changé les plans et les attitudes de tout le monde » et rendu l’espoir impossible. Le droit à l’autonomie des écoles de langue français a mené à l’autonomisation de sections de langue française, toujours dans des écoles secondaires mixtes et la création d’écoles secondaires catholiques de langue française. Elle se rappelle de crises à Windsor et à Kingston où elle a été appelée comme médiatrice pour gérer des transferts d’édifices et l’octroi de subventions d’autres ministères pour convaincre des municipalités et des institutions récalcitrantes à prendre part à l’initiative, notamment en obtenant des fonds de tiroirs du cabinet du premier ministre à l’occasion. « Même en tant que partie prenante, j’ai toujours été vue comme étant juste; on tricotait des choses pour que tout le monde en ressorte heureux », se rappelle-t-elle :





« Mon employeur était le gouvernement, donc je m’assurais qu’on respecte les droits; je ne travaillais pas pour la communauté. Je trouve que j’ai été bien traitée par tous les gouvernements. Je leur disais “Trouvez quelqu’un d’aussi bon que moi, bonne chance! Vous allez avoir de la misère. Treat me nice, I’ll be here longer than you”. Ma réputation avec tous les ministres et les premiers ministres c’était, “ne demandez pas à Mariette ce qu’elle pense; elle va vous le dire”. Je trouvais que c’était leur rendre service. Ça servait à rien de leur faire plaisir. La réalité, c’était ça. Les décisions, ils devaient les assumer; ils avaient été élus, les décisions étaient les leurs et devaient vivre avec les conséquences. »





Elle a pris un stage pratique pour la mise en œuvre de programmes dans le Nord-Est de la province en 1989 et est revenue à son poste de sous-ministre adjointe en 1993, mais cette fois avec des responsabilités accrues dans le domaine de l’éducation de langue anglaise et le postsecondaire. Elle affirme qu’à ce moment, les trois quarts du personnel du ministère de l’Éducation étaient sous sa gouverne. « C’était facile pour moi de prendre des responsabilités additionnelles, car je connaissais tout le monde et les dossiers. » Ainsi, elle a pu superviser la mise sur pied des collèges Boréal et des Grands Lacs (1995), tout comme la planification des 12 conseils scolaires de langue française (1997). Elle rappelait alors aux administrateurs de ne jamais oublier que la gestion francophone n’était pas strictement une question de droits, mais d’assurer « la qualité de l’éducation et la pérennité de la communauté », chose qu’il ne fallait « jamais oublier » quand on justifiait les octrois. Elle a pris sa retraite du monde de l’éducation en décembre 1997.





À la retraite, elle s’est impliquée dans de nombreux conseils administratifs francophones de Hamilton, dont le Centre français, le Club Richelieu et le Centre de santé communautaire. Elle s’est aussi retrouvée à siéger à des conseils consultatifs des ministères sur la petite enfance et le postsecondaire, notamment actifs dans l’établissement d’une école de médecine à Sudbury (2006) et du Collège Boréal à Toronto (2003) après la fermeture du Collège des Grands Lacs.





Carrier-Fraser assistait aux assemblées générales de l’ACFO provinciale depuis le tournant des années 1970 et avait connu l’ensemble des présidents généraux de par son travail quotidien et son implication communautaire. Elle se désolait toutefois de la déconfiture de l’ACFO provinciale, surtout pendant les années (1995-2004) où le siège social avait été à Toronto. Elle n’était pas de ceux qui croyaient que le déménagement avait été un choix judicieux. Elle voyait d’ailleurs la création de la DECCO, sur l’insistance du ministère du Patrimoine canadien, comme une preuve concrète du manque de crédibilité de l’ACFO auprès de la communauté, de certains secteurs, dont les minorités ethnoculturelles, des bailleurs de fonds et des politiciens, qui affligeaient l’organisme porte-parole. Lorsqu’elle a constaté, à l’assemblée générale tenue à Toronto en septembre 2004, une volonté de réinventer l’organisme porte-parole, elle a cru pouvoir y prêter main forte. Ainsi, après une assemblée extraordinaire, également tenue à Toronto en avril 2005, elle s’est fait élire à l’un des huit postes du Comité de transition. Elle est d’ailleurs de ceux, avec les co-présidents Jean Poirier et Jean Comtois, qui ont encadré Simon Lalande dans la mise sur pied de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario.





Lors de la première assemblée générale de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) en juin 2006, sa fille, son gendre et ses petits-enfants étaient déménagés de Hamilton à Rockland et Carrier-Fraser avait bien envie de les suivre. Quelques candidats se sont présentés à la présidence de l’AFO, mais c’est Carrier-Fraser qui l’a emportée, accélérant son déménagement vers la capitale fédérale. Elle estime avoir gagné le concours car les délégués croyaient qu’elle avait le meilleur potentiel pour « crédibiliser » l’organisme auprès « des médias, des décideurs et des bailleurs de fonds ».





Elle avait aussi entretenu, depuis le début de l’organisation des minorités ethnoculturelles francophones (MEF) dans les années 1980, de bons rapports avec elles dans le Centre-Sud ontarien. Ainsi, elle pourrait tisser de meilleurs rapports avec les organismes et individus voulant participer à l’AFO et remettre à leur place ceux qui ne parlaient qu’à leur nom ou cherchaient à faire du tort. Par exemple, elle aurait candidement remarqué à la pose choisie par un candidat pour l’élection : « T’as l’air d’un dictateur de république de banane! » L’intégration à la société d’adoption devait exiger un accompagnement et des attentes sur le plan de l’adaptation, un équilibre que Carrier-Fraser ne s’empêchait pas d’évoquer lorsqu’elle le jugeait utile. Elle estime avoir connu certaines réussites pendant son mandat : une présence continue des MEF au conseil d’administration, ainsi que l’adoption par l’Office des affaires francophones de la « définition inclusive » de francophone, qui a intégré, dès 2009, l’entièreté des immigrants dont la première langue officielle parlée était le français au « contingent franco-ontarien ». L’origine ne devait pas avoir d’importance dans l’élaboration d’une communauté élargie; les nouveaux arrivants pouvaient d’ailleurs contribuer à rendre viables des institutions – surtout dans le Centre-Sud – qui autrement n’auraient pas les nombres suffisants pour exister. En revanche, elle constate l’échec pendant ses années à rehausser le taux d’immigration francophone, au-delà du seuil de 2,5 % de l’ensemble des nouveaux arrivants et de sensibiliser ceux qui s’intégraient à l’histoire, à l’identité et à la culture franco-ontariennes. En janvier 2010, l’AFO a tenté de se rattraper en soulignant le centenaire de l’existence de l’organisme porte-parole ce qui devait rappeler les luttes et les victoires historiques pour les droits scolaires et linguistiques de l’Ontario français.





Sur le plan de la structure interne, elle en convient que le CA à 24 membres était « une armée lourde à gérer », mais que l’effort était toujours « d’établir de la crédibilité, car tout le monde avait des doutes » sur le succès de l’AFO, étant donné les difficultés de l’ACFO pendant une quinzaine d’années. On insistait sur « l’équité, le respect, l’inclusion, le respect et l’unicité », comme le stipule les Orientations stratégiques 2006-2008. On considérait la structure temporaire, mais la réforme et réduction à 12 membres ne s’est pas passée sous sa gouverne. Puisque la plupart des administrateurs étaient des directeurs généraux d’organismes – et non pas des élus –, le CA ressemblait davantage à une bureaucratie qu’à un organisme délibératif et démocratique.





La rétention du personnel à la nouvelle AFO constituait un autre défi d’envergure. En fait, Carrier-Fraser a eu à cumuler les fonctions de présidente et de directrice générale pendant la majorité de ses deux mandats. Il y a eu six changements à la direction pendant son mandat; entre les démissions, les congés de maternité, les retours au travail et les présences par intérim, Carrier-Fraser a souvent dû gérer son propre horaire et écrire ses discours, comme elle le rappelle :





« On serait allé bien plus loin si on avait eu une direction générale qui était permanente qui pouvait gérer des dossiers en permanence. On a dû développer des projets avec des gens à temps partiel. Je gérais les dossiers, le bureau, les voyages, les entrevues, les décisions. J’aurais aimé créer une équipe plus forte à l’interne. C’est essentiel pour le fonctionnement. Ça laissait beaucoup à désirer car c’était encore instable. Il y avait des conflits qui existaient à l’intérieur de la boite car il n’y avait aucune présence régulière. Les gens n’avaient pas le temps de s’habituer, ne fonctionnaient pas comme équipe. Mais on a quand même réussi à atteindre plusieurs des objectifs que nous nous étions fixés. La crédibilité a été établie, ça c’est clair. De ce côté là, la presse a été très positive. »





Quant aux relations avec le gouvernement ontarien, elle estime que sa carrière en éducation l’avait aidée, car elle « savait à quelle porte cogner pour des renseignements » et « connaissait des gens dans tous les milieux francophones ». Elle a d’ailleurs trouvé « une certaine complicité avec [la ministre déléguée aux Affaires francophones] Madeleine Meilleur dans le dossier de santé par exemple où le gouvernement a accepté de créer des sections de langue française pour les services en français ». Carrier-Fraser était d’avis que la santé était le prochain front sur lequel l’Ontario français devait progresser. L’AFO a donc entrepris une campagne, avec l’OAF, de sensibilisation à l’utilisation des services en français pour que les gens soient plus sensibles aux services disponibles; d’ailleurs, elle siégeait simultanément au conseil d’administration de l’Hôpital Montfort. On avait d’ailleurs identifié « l’ouverture du gouvernement libéral » ontarien comme une force pour l’AFO. C’est d’ailleurs grâce à cette proximité, selon Carrier-Fraser, qu’on a pu constituer le Commissariat aux services en français (2007) et faire reconnaître le 25 septembre comme le Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes (2010).





L’AFO a réussi à obtenir du ministère du Patrimoine canadien un fonds de fonctionnement d’environ 700 000 $ par année, même si l’agence fédérale demeurait craintive à son égard. Carrier-Fraser estime d’ailleurs que la présence du bureau à Ottawa a permis d’entretenir de meilleurs rapports avec les fonctionnaires fédéraux, le principal (à hauteur de 74 %) bailleur de fonds. Elle a continué à être consultée dans des comités ministériels, notamment lors des consultations menant à La Feuille de route pour la dualité linguistique et au Programme d’appui aux droits linguistiques, même si l’impact de ses interventions est difficile à mesurer. L’AFO s’est aussi opposée à des compressions, notamment celles à la Société Radio-Canada qui ont menacé l’antenne CBEF dans le Sud-Ouest ontarien. Sur d’autres enjeux, comme l’exode des régions ou l’assimilation, l’AFO n’est pas intervenue, peut-être faute de ressources humaines. Les budgets étaient équilibrés (ou avec des déficits de quelques milliers de dollars) pendant ces années, les charges et revenus frôlant le million de dollars.





Lors d’un forum communautaire en octobre 2009, l’AFO a jeté les bases pour un premier plan stratégique communautaire. Il s’agissait d’un moyen de rassembler les forces vives du réseau associatif et de confirmer les balises d’une vision d’avenir commun, exercice que l’ACFO n’avait pas effectué depuis 1991. Elle a aussi inauguré le Centre d’information en ressources financières, un centre devant donner un coup de main aux petits organismes à trouver des subventions et à monter des demandes pour améliorer la « santé organisationnelle » du réseau associatif. À l’été 2010, alors que le deuxième mandat de deux ans de Carrier-Fraser tirait à sa fin, l’AFO avait 170 membres, dont 89 associations, 10 institutions et 75 individus.





Si Carrier-Fraser a pris sa retraite de l’AFO en octobre 2010, elle est demeurée active dans divers conseils d’administration et conseils ministériels afin de mettre à profit son expérience. Elle a présidé le Centre canadien de leadership en évaluation (CLÉ) et siégé au Conseil consultatif des services de santé en français (2012-…). À l’Hôpital Montfort, elle a mis sur pied une politique linguistique en 2014, qui renforce les exigences de bilinguisme du personnel, et participé à la fondation de l’Institut du savoir de Montfort en 2015, question d’autonomiser et de rentabiliser la recherche sur la santé en français. Elle est récipiendaire de nombreuses distinctions, dont la Personnalité de l’année Le Droit-Radio-Canada 2015. Elle encourage tous, comme le font ses enfants et ses petits-enfants, à s’impliquer dans la communauté franco-ontarienne.





« Personnellement, je trouve que la communauté m’a beaucoup donné et que c’est ma façon à moi de redonner, de leur donner un coup de main. J’ai quand même certaines expériences à leur offrir. Car on a toujours besoin de bénévoles. C’est une dimension importante, faut que t’en bénéficies et que t’aies quelque chose à offrir. »





Quant aux dirigeants, elle les encourage de jouer le rôle de mentor et de ne pas rester trop longtemps en selle, car il faut, selon elle, permettre aux jeunes de faire des erreurs et d’apprendre, tout en leur portant secours lorsqu’ils en ont besoin, si l’Ontario français s’attend à une relève :





« On ne se met pas à dire aux enfants quoi faire; c’est la meilleure façon de s’assurer qu’ils ne le feront pas. C’est pourquoi je refuse les présidences, car je me dis que j’en ai fait assez. Je ne veux plus cette responsabilité là. J’ai 74 ans, c’est le temps que je me calme les nerfs! »





Elle n’en démords pas moins de son engagement communautaire et a encore l’intention de continuer pendant un bon moment.









Bibliographie





Entrevue de Serge Dupuis avec Mariette Carrier-Fraser, Ottawa (Ontario), 26 juin 2017, 95 minutes.





Démarche de planification. Orientations stratégiques 2006-2008, Ottawa, Assemblée de la francophonie de l’Ontario, août 2006, 13 p.





Rapport annuel 2008-2009, Ottawa, Assemblée de la francophonie de l’Ontario, 2009, 14 p.





Rapport annuel 2009-2010, Ottawa, Assemblée de la francophonie de l’Ontario, 2010, 21 p.